Nous sommes à la Chaux-de-Fonds en famille, on fait des courses dans un magasin bio. Comme nous ne trouvons pas tout ce que nous cherchons, David part pour un autre magasin. Je me dirige vers une place de jeux avec mon fils Elohim, 2 ans.
C’est samedi après-midi, plein été, il fait bien chaud. Beaucoup de familles sont à la place de jeux. Je balaie du regard les alentours et je vois que presque toutes les femmes portent le voile. Il y a aussi des fillettes de 10 ou 12 ans qui sont voilées.
Sur les bancs, une bonne dizaine d’hommes sont assis. Les femmes s’activent autour des enfants ou discutent entre elles. Il fait chaud, j’ai mis une petite robe d’été un peu courte, avec laquelle tout d’un coup je ne me sens pas du tout à l’aise. Une petite brise s’engouffre dessous et j’ai l’impression qu’on voit ma culotte.
Tout d’un coup, je me sens seule, j’ai l’impression que tout le monde me regarde. Quelque chose en moi se dit qu’elle est en danger. Elohim a choisi la balançoire et je le pousse. Dans mon dos, il y a les bancs avec les hommes assis, je suis sûre qu’ils me regardent.
Je prie pour que David revienne vite. Je subis la situation, je me sens très mal à l’aise.
Et puis je profite du va et vient de la balançoire, je respire, je me concentre sur mes sensations, sur mes ressentis. Je me rappelle que tous les êtres humains ont les mêmes besoins, qu’il y a cette fameuse nappe phréatique de notre humanité, dont parle Marshall. Je ne suis pas si seule, c’est certain.
Je me dis : « Vas-y engage la conversation, dis n’importe quoi, ne reste pas séparée ! »
Il y a un petit qui doit avoir 18 mois, il pousse son pousse-pousse en tournant autour de nous et de la balançoire. Sa mère lui court derrière : il n’est pas très stable mais il va vite.
Je lance : « Il conduit bien le pousse-pousse ! »
Elle répond : « Oui, il vient d’avoir son permis ! »
On rit.
Une autre femme : « Ils ont tellement d’énergie les petits ! »
Une autre (qui boit un Red Bull) : «Pas comme nous ! »
« Ouais, eux ils sont à 100 et nous à 20 ! »
On rit.
Nous vivons toutes la même chose visiblement : malgré la fatigue, on s’active pour suivre l’énergie débordante des petits. Je me sens connectée tout à coup à ces femmes, à ces mères que je ne connais pas. Elles qui me semblaient si différentes… pas si différentes au final !
Je me sens de nouveau calme, et à ma place.
Elohim veut aller au toboggan. Il y a une fillette avec son voile qui cherche de l’ombre. Elle vient tout près de nous. Je vois que son voile est brodé de perles, c’est beau. Elle est toute fine, et sa silhouette est très élégante avec ce vêtement. Je n’ose pas lui dire qu’elle est belle et que son voile est beau avec les perles. Je ne sais pas vraiment ce qui me retient. Je la regarde seulement, on se sourit.
David arrive, on quitte la place de jeux. Je suis heureuse de ne pas être restée sur la défensive, dans mes pensées et dans ma séparation. Merci Marshall !