Une odeur. Un look. Une affiche. Le bruit d’une moto. Tout m’agresse…
Tous, ils sont toutes et tous sur leur téléphone.
Je cherche à croiser un regard humain, je n’en vois pas…
Je cherche du beau, n’importe quoi, tout me parait laid, affreusement laid.
Oh… pourtant je viens de tes entrailles, Genève, mais comme soudain je me sens mal quand je viens te visiter…
Ah, tout à coup les sommets dorés et ronds de l’église russe… une toute petite bouffée d’air entre dans mes poumons…
Juste là, j’aimerais tellement pouvoir me couper de mes émotions!
L’autre jour quelqu’un me disait qu’heureusement qu’il peut se couper de ses émotions, sinon ce serait insupportable.
Mais moi, oh désespoir je n’ai plus l’option !!!
Et je n’arrive pas encore à maîtriser l’autre option, celle d’accueillir, de me laisser traverser par tout ça…
Argh, ça s’accroche, ça se love dans mon plexus solaire, ça fuse dans ma tête, trop de stimuli, l’angoisse qui m’étreint, la peur d’avoir peur, et cette voix qui crie “Mais tu es juste dans la rue à Genève, c’est disproportionné !!!“
Je me dis que je suis folle.
Je me dis que c’est la honte d’accompagner des gens alors que moi-même j’en suis là…
Alors, je mets juste un pied devant l’autre, je chope du beau quand je peux (une ligne jaune de l’arrêt de bus dont la peinture s’est un peu écaillée, ça a créé des petites taches noires dans le jaune, ça pourrait être une œuvre d’art…) et j’essaie d’être présente à tout ce qui se déchaîne en moi.
Deux junkies sont assis à côté de moi dans le tram, un gars et une fille. D’abord je sens l’insécurité monter. J’ai à peine jeté un coup d’œil mais j’ai tous saisi, senti. Elle s’accroche à lui comme un nouveau-né à sa maman. Tout est entremêlé : bras, jambes, mains. D’abord je sens de l’angoisse monter avec cette pensée fusée sans mots mais qui pourrait être “deux épaves qui s’accrochent l’une à l’autre, quelle souffrance…“
Et petit à petit, sans les regarder plus que ça je me dis qu’ils ont de la chance de s’être trouvés. D’être juste là, ici et maintenant accrochés l’un à l’autre, à chercher peut-être la sécurité et l’amour.
Moi aussi je cherche la sécurité et l’amour. Il y a aussi une Aurélie en moi qui rêverait de s’emmêler avec un homme, de m’arrimer à lui lorsque je pars dans mes dérives, d’avoir l’impression de ne plus être seule au monde parce que mon homme m’aime.
Soudain la junkie c’est moi, c’est toi, c’est toute l’humanité. Et elle me parait moins souffrante.
Je vois mon angoisse diminuer, je ne suis plus impactée par leur présence. Je n’ai pas besoin de me lever et d’aller m’asseoir ailleurs. Je peux juste être avec. Et je ne suis ni coupée, ni indifférente : ils me touchent.
Tu vois le pouvoir de l’interprétation ? Tu vois le pouvoir de la Communication NonViolente ?
Voilà l’enseignement que m’offre la grande ville aujourd’hui ! Merci Genève ! Cela fait presque huit ans jour pour jour que je t’ai quitté, ma chère ville natale où j’ai des souvenirs à chaque coin de rue… et aujourd’hui je suis pourtant en toi comme une étrangère… quelle sensation bizarre…
Ce soir de retour sur ma montagne, je sens que je respire mieux. J’ai le droit de choisir un lieu de vie qui repose mes sens et mon extrême sensibilité.
Et toi, comment vis-tu ton hypersensibilité ? Comment manages-tu avec tes émotions et tes pensées ?